Chronique musicale du lundi 4 mai

« Petite leçon de composition, la 5ème dans tous ses états » 

En ouverture de cette chronique, une version déjantée mais très engagée du 1er mouvement de la 5ème symphonie de Beethoven par le jeune (né en 2000) virtuose polonais Marcin Patrzalek. Surprise, surprise...

Pour suivre, une anecdote fameuse qui passe pour authentique...

Dans les années 60 le grand chef d'orchestre allemand Otto Klemperer (1885-1973) se rend chez un disquaire (à Vienne, New-York ou Los Angeles, l'histoire comporte des variantes) accompagné de George de Mendelssohn-Bartholdy (1912-1988), arrière-petit-fils de Félix et directeur artistique du label américain de disques vinyle VOX.

Mendelssohn demande au vendeur l'intégrale des symphonies de Beethoven par Klemperer que celui-ci vient d'enregistrer.
Le vendeur, peut-être nouvellement engagé, propose à ces clients qu'il n'a pas identifiés l'intégrale de Carl Schuricht;
Mendelssohn refuse et insiste pour celle de Klemperer, le vendeur vante alors celle d'Erich Kleiber, puis celle de Karajan, également rejetées.
Il s'impatiente et demande "pourquoi insistez-vous tant sur l'intégrale de Klemperer alors que je vous en ai proposé trois excellentes?" 
Otto Klemperer le toise de toute sa hauteur (car il était grand) et dit "parce que JE suis Klemperer!".
Le vendeur déstabilisé se croit malin et plaisante "ah bon, et je suppose que le monsieur qui vous accompagne est Beethoven?"
"non, moi c'est Mendelssohn!" répond George.
Confusion totale du vendeur qui se serait alors excusé auprès de l'arrière-petit-fils de Félix "Ah, monsieur Mendelssohn, j'adore votre Marche Nuptiale"...!


Pour illustrer cette anecdote, voici le 1er mouvement de la célèbre 5ème symphonie opus 67 en ut mineur de Ludwig Van Beethoven.

Ce mouvement est de forme sonate (structure musicale à ne pas confondre avec la composition musicale du même nom pour un ou deux instruments, en trois ou quatre mouvements).
Dans sa pureté primitive, telle que fixée par Haydn et Mozart, la forme sonate est ainsi structurée :

  1. exposition du 1er thème (souvent martial et de tonalité majeure) puis du second thème (plus mélodique et souvent de tonalité mineure). 
  2. répétition à l'identique de cette exposition (on appelle cela "reprise").
  3. Puis c'est le développement, plus ou moins long, qui dénote l'inventivité et l'habileté du compositeur pour combiner ces deux thèmes.
  4. Alors vient la ré-exposition des deux thèmes, avec des variantes (par exemple thème majeur ré-exposé en  mineur et vice-versa).
  5. Et enfin la coda (fin) plus ou moins brève (souvent longue chez Beethoven, mais pas trop dans la 5ème symphonie).

 

Beethoven applique strictement cette structure au 1er mouvement de la 5ème symphonie.

Partition et chronomètre en mains vous pouvez vérifier sur cette vidéo 2019 du Vienna Philarmonic Orchestra dirigé par Christian Thielemann

Ou en animation version voyage écolo post-confinement.

Mais au XIXème siècle tout le monde n'avait pas un orchestre à sa disposition dans sa maison ou un studio d'animation.
Alors on réduisait la partition pour le piano.  Les opéras, concertos, symphonies ont subi ce traitement, avec plus ou moins de bonheur.
Franz Liszt parmi d'autres a ainsi transcrit toutes les symphonies de Beethoven.
De toutes ces tentatives, c'est la plus aboutie et la seule que l'on joue en concert et enregistre encore aujourd'hui (CDs de Yury Martynov).
Voici plusieurs versions de cette 'réduction' du 1er mouvement de la 5ème symphonie.

 

Glenn Gould à deux mains (disque CBS, les 6 premières minutes) 

Version à 4 mains par les frères britanniques Jonathan et Tom Scott, décor nocturne avec petite mise en scène romantique

Ou par les soeurs Lillian et Vivian en pleine lumière (USA, Illinois 2014)

Ou encore à 2 pianos et 8 mains (7'15 premières minutes) par les duos Jost/Costa et Gerwig/Gonzalez en 2018 à Mexico