Chronique musicale spéciale Printemps

Le printemps est enfin là, très bienvenu après un hiver comptant double voire triple en fonction de l'âge, de la condition de santé… et des péripéties sanitaires. Au fil des ans nous avons toutes et tous fait l'expérience plus ou moins ressentie d'une renaissance printanière des énergies dans notre corps, notre coeur, notre mental, à l'exemple du jaillissement de la vie nouvelle dans la nature. Ce n'est pas le 1er janvier, emmitouflé contre les frimas de l'hiver, qu'on devrait prendre les résolutions de nouvel an mais bien au début du printemps lorsque s'ouvrent et abondent les énergies vernales...  

Qu'en est-il pour les artistes en général, et les musiciens en particulier? L'arrivée du printemps se traduit-elle pour eux par un regain d'inspiration, de créativité, d'énergie ? Trouve-t-on dans leurs oeuvres une trace printanière d'inspiration créatrice? 

La question à peine posée, les difficultés surgissent: 

  • quelle date prendre en compte, le début de la composition, l'achèvement, la création privée, publique...?

  • entre la genèse et la création de l'oeuvre il peut se passer des semaines, parfois des mois voire des années, même s'il y a aussi des exemples d'oeuvres composées tout à trac dans une inspiration fulgurante

  • à côté d'oeuvres faisant explicitement référence au printemps dans leur titre ou sous-titre il y en a d'autres dont le caractère printanier relève de l'interprétation subjective d'un critique ou du public

  • un titre ou sous-titre "printemps" est rarement le fait du compositeur lui-même et intervient parfois longtemps après

  • au moins jusqu'au début du XIXème siècle le calendrier liturgique religieux a rythmé la vie culturelle européenne avec des périodes d'abstinence artistique (avent, carême) faussant la référence à une inspiration purement "saisonnière" 

Une façon d'y voir plus clair est de sélectionner des oeuvres étiquetées "printemps" (titre, sous-titre, surnom), d'en rechercher les dates de composition et de création, et de voir si on peut en tirer quelque conclusion. Chemin faisant nous pourrons déguster quelques extraits de bonne et belle musique (merci Youtube), car c'est bien là l'essentiel...

Après le buffet musical de Noël, voici donc, de Bach à Waldteufel, une balade musicale et alphabétique embaumée d'effluves printaniers. 
Ecoutez et regardez !

 

J-S Bach (1685-1750) : le 22 janvier 1720 il inaugure un recueil manuscrit de courtes compositions qu'il alimente jusqu'en 1723, à l'usage de son fils Wilhelm Friedemann. Parmi celles-ci un prélude en mi mineur que le compositeur russo-américain Alexandre Siloti (1863-1945) réarrange en le transposant en si mineur. Le voici par Grigory Sokolov sur fond d'éveil du printemps

L. van Beethoven (1770-1827): il publie en 1802 une 5ème sonate pour piano avec violon obligé, sans doute composée en 1801-1802. Cette sonate est remplie d'allégresse printanière et de douceur de vivre, d'où sans doute son surnom Le Printemps donné après la mort de Beethoven. Voici le 1er mouvement dont le thème initial est une des plus belles phrases musicales du répertoire, ici joué par Fanny Robilliard et Paloma Kouider

Mel Bonis (1858-1937): Gai printemps, impromptu de 1889, interprété par Dominique Blanc

 

Johannes Brahms (1833-1897): la 2ème symphonie composée l'été 1877 dans une villégiature des Alpes autrichiennes est d'humeur légère et champêtre (d'où le surnom Pastorale). Le dernier mouvement est particulièrement joyeux et triomphant. Orchestre National de France 2011 Myung Whun Chung (9'40'")  ou  Berliner Phil. 2008, Sir Simon Rattle exposition des deux thèmes (3') 

Frank Bridge (1879-1941): chanson de Printemps composée en 1912, interprétation 2020 confinée de Laura van der Heijden et Tom Fetherstonhaugh  ou bien artistes inconnus mais avec cui-cui final 

Frédéric Chopin (1810-1849): entre 1827 et 1847 il a composé 19 chants polonais (voix et piano) op.74 dont voici le 2ème Wiosna (Printemps) composé en 1838 sur un texte du poète polonais Stefan Witwicki (1801-1847),ici interprété par Aleksandra Kurzak et Nelson Goerner 

Aaron Copland (1900-1990): le ballet Appalachian Spring composé en 1944 pour la chorégraphe Marthe Graham (1894-1991) d'après un poème de Hart Crane (1899-1932) raconte l'histoire des pionniers américains au début du XIXème siècle. Le thème principal s'inspire de l'emblématique chant Simple Gifts du compositeur Joseph Brackett (1797-1882) membre de la communauté américaine des shakers 

Claude Debussy (1862-1918): en résidence à la Villa Médicis (1885-1887) il s'inspire du tableau de Botticelli Le Printemps pour composer une ample suite symphonique pour orchestre et piano à 4 mains ici jouée en 2018 par l'Orchestre National de France dirigé par Emmanuel Krivine 

Fanny Mendelssohn (1805-1847): après un long voyage en Italie (1839-1840) avec son mari le peintre Wilhelm Hensel elle compose un cycle de 12 pièces pour piano Das Jahr (L'année) qu'elle lui offre le 31 décembre 1841, dont est extrait Avril joué par la pianiste lettone Lauma Skride 

Felix Mendelssohn (1809-1847): Chanson de Printemps est la dernière des 6 pièces du 5ème recueil de Romances sans paroles (il en composa 8 entre 1829 et 1845). Cet opus 62 composé en 1842-1844 est dédié à son amie et interprète favorite Clara Schumann à qui il offrit la Chanson de Printemps pour son 23ème anniversaire le 13 septembre 1842. Jouée ici par le pianiste russe Yury Shadrin 

W-A Mozart (1756-1791): son 14ème quatuor K.387, surnommé Le Printemps pour la fraîcheur du 1er mouvement, est le 1er de six quatuors dédiés à son ami Joseph Haydn. Composé à Vienne, achevé le 31 décembre 1782, il est interprété ici en 2010 au Mozarteum de Salzburg par le quatuor familial Hagen 

Astor Piazzolla (1921-1992): en miroir aux 4 Saisons de Vivaldi il composa Las Cuatro Estaciones Porteñas (les 4 saisons de Buenos-Aires) dont Le Printemps (1970) joué ici par le Fugata Quintet 

Franz Schubert (1797-1828): il composa Im Frühling (au printemps) en 1826 sur un poème d'Ernst Schulze (1789-1817), ici interprété en 1978 dans un décor d'époque par Dietrich Fischer-Dieskau accompagné par Sviatoslav Richter  

Robert Schumann (1810-1856): il composa sa 1ère symphonie le Printemps (sous-titre inspiré d'un poème d'Adolph Böttger 1815-1870) au piano en 4 jours (23-26 janvier 1841) puis l'orchestra en trois semaines, symphonie représentant sans doute  pour Schumann un printemps après une longue lutte finalement victorieuse pour épouser Clara l'amour de sa vie. Elle fut créée le mercredi 31 mars 1841 à Leipzig sous la direction de son ami Felix Mendelssohn, et jouée ici en 1984 avec Leonard Bernstein et l'orchestre philarmonique de Vienne 

Johann Strauss (1825-1899: Frülingstimme (Voix du printemps) est une célèbre valse-aria composée l'hiver 1882-1883 pour la cantatrice Bianca Bianchi (de son vrai nom Bertha Schwartz 1855-1947) sur un texte du librettiste et compositeur d'opérettes prussien Richard Genée (1823-1895). Voici Natalie Dessay mise en scène et en costumes (spectacle non précisé)  ou en 2016 Patricia Janeckova jeune cantatrice tchèque (18 ans lors de la captation) 

Igor Stravinsky (1882-1971): dès 1910 il eut l'idée d'un "grand rite sacral païen". La composition du Sacre du Printemps s'échelonna entre le 17 novembre 1912 et le 8 mars 1913. La création le 29 mai 1913 au Théâtre des Champs-Elysées donna lieu à un scandale mémorable (on parla du "massacre du printemps"). Chorégraphie de Nijinsky (1889-1950) pour les Ballets Russes de Serge Diaghilev (1872-1929). Ici au Théâtre des Champs-Elysées le 29 mai 2013 (pour le centenaire de la création) sous la direction de Valery Gergiev (extrait)

Piotr Illitch Tchaikovsky (1840-1893): il écrivit un cycle de 12 pièces pour piano (les Saisons) entre décembre 1875 et novembre 1876. La barcarolle (juin) célèbre en douceur la fin du printemps et le début de l'été, ici jouée en 2016 par la pianiste germano-russe Olga Scheps 

Antonio Vivaldi (1678-1741): les concertos des 4 Saisons furent écrits en 1716-1717, publiés à Amsterdam en 1725 puis oubliés... Il fallut attendre 1921 pour les réentendre, 1939 pour un premier enregistrement (il en existe aujourd'hui plus de 1000), et un succès mondial à partir de 1948. Ainsi l'orchestre de Jean-François Paillard l'a enregistré 6 fois et joué près de 1500 fois...ça c'est du tube! Dans l'histoire de la musique, le Printemps marque le début du concerto pour soliste et aussi de la musique à programme (chaque concerto était accompagné d'un sonnet descriptif de la main du compositeur). Le thème frais et enjoué du 1er mouvement a été réutilisé par Vivaldi dans son opéra Giustino (1724). Voici le 1er mouvement par Lucie Horst (17 ans) d'abord à la flûte à bec,

 

 

puis avec Nemanja Radulovic 

 

 

ou encore un extrait du 1er acte de l'opéra de Vivaldi Giustino 

 

 


et pour finir une improvisation de la pianiste vénézuélienne Gabriela Montero 

 

 


 

Richard Wagner (1813-1883): il composa en juin-juillet 1857 les Murmures de la Forêt pour l'opéra Siegfried (3ème de la tétralogie l'Anneau du Nibelung) ici interprété par l'Orchestre Philarmonia dirigé par le chef Yuri Simonov  

Emile Waldteufel (1837-1915): la valse Amour et Printemps date de 1880 (sans plus de pécision) jouée par l'Orchestre Philarmonique Slovaque dirigé par Kurt Redel 

 

 

 

ou chantée par Roberto Alagna sur des paroles de son frère David Alagna 

 

 

 

 les deux versions accompagnées d'images évocatrices.